L’importance du patrimoine culturel immatériel ne réside pas tant dans la manifestation culturelle elle-même que dans la richesse des connaissances et du savoir-faire qu’il transmet d’une génération à une autre.
Le patrimoine culturel immatériel comprend les traditions ou les expressions vivantes héritées de nos ancêtres et transmises à nos descendants. Parmi ce patrimoine figurent les traditions orales, les arts du spectacle, les pratiques sociales, rituels et événements festifs, les connaissances et pratiques concernant la nature et l’univers ou les connaissances et le savoir-faire de l’artisanat traditionnel. Le patrimoine culturel immatériel ne peut être patrimoine que lorsqu’il est reconnu comme tel par les communautés, groupes et individus qui le créent, l’entretiennent et le transmettent.
Le patrimoine culturel immatériel est à la fois traditionnel, contemporain et vivant, comme il comprend aussi des pratiques rurales et urbaines de nos jours. Il se développe à partir de son enracinement dans les communautés et dépend de ceux dont la connaissance des traditions, des savoir-faire et des coutumes transmis de génération en génération ou à d’autres communautés.
Bien que fragile, le patrimoine culturel immatériel est un facteur important du maintien de la diversité culturelle face à la mondialisation croissante. Avoir une idée du patrimoine culturel immatériel de différentes communautés est indispensable au dialogue interculturel et encourage le respect d’autres modes de vie.
La procession dansante d’Echternach
La procession dansante d’Echternach a lieu tous les ans le mardi de Pentecôte en hommage à St Willibrord (658-739), missionnaire venu d’Irlande, fondateur de l’Abbaye d’Echternach. Il est difficile de fixer l’origine de cette pratique faute de documents historiques. Elle est mentionnée pour la première fois à la fin du 15e siècle. Certains voient l’origine en rapport avec les cortèges des flagellants des 13e et 14e siècles et expliquent la danse comme une manière de prévenir ou de guérir les convulsions de certaines maladies nerveuses comme l’épilepsie par l’imitation homéopathique de ces mouvements. D’autres croient l’origine de la procession due à un vœu des paroissiens de la localité de Waxweiler dans l’ « Eifel », suite à une grande calamité. Beaucoup de commentateurs de la procession pensent, par contre, que l’origine de la procession est à considérer dans le contexte de la christianisation de nos régions. Elle serait un rite païen transformé, où la danse, expression universelle de sentiments humains, exprimerait la reconnaissance du peuple envers St Willibrord pour les bienfaits reçus. Il est vrai que l’abbé Thiofrid, vers 1100, mentionne déjà un grand rassemblement de pèlerins les jours de la Pentecôte sans toutefois mentionner la danse. La procession a survécu à de nombreux interdits et rassemble chaque année quelque 8000 danseurs qui se retrouvent dans une ambiance conviviale pour « prier avec les pieds » et continuer la tradition.
Les pèlerins s’alignent en rangs de 5 personnes et, reliés par des mouchoirs ou foulards pliés en triangle, avancent en sautillant, au rythme des fanfares qui jouent une ancienne mélodie populaire. La procession les conduit à travers les ruelles d’Echternach jusque devant la tombe de St Willibrord dans la crypte de la basilique.
Le 16 novembre 2010, le Comité intergouvernemental de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO a décidé à l’unanimité d’inscrire la procession dansante d’Echternach sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l'humanité.
Haupeschbléiser - l'art musical des sonneurs de trompe »
Les trompes de chasse Saint-Hubert de Luxembourg
Le Comité intergouvernemental de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO, réuni en sa 15e session le 17 décembre 2020, ont inscrit sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l'humanité "l'art musical des sonneurs de trompe, une technique instrumentale liée au chant, à la maîtrise du souffle, au vibrato, à la résonance des lieux et à la convivialité".
L'art musical des sonneurs de trompe est né au XVIIIe siècle à la Cour royale française. Depuis lors, cet art est devenu une tradition vivante dans nos régions, comme en témoigne de manière exemplaire la monumentale représentation allégorique du Grand-Duché de Luxembourg par Julien Lefèbvre (Hôtel Alfa, vers 1930, classé monument national). Aujourd'hui, dans notre pays, des hommes et des femmes de différents âges, nationalités et milieux sociaux, se retrouvent pendant leurs loisirs pour maintenir en vie ce patrimoine culturel.
Au Luxembourg, ces musiciens sont appelés "Haupeschbléiser", du nom de saint Hubert, leur saint patron. Leur instrument, dit "naturel", car sans pistons, est sonné grâce à des techniques respiratoires très physiques, de préférence dans la nature, où son timbre archaïque peut résonner librement. Le chant joue également un rôle important dans la transmission de cet art musical. Sonnant sans partition, en redingote, les musiciens tournent le dos à l'auditoire pour lui faire écouter au mieux le son de leurs trompes. La convivialité, la rencontre avec des sonneurs d'autres pays, le lien avec la nature et le partage de ces valeurs au-delà des frontières sont des caractéristiques essentielles de cette tradition vivante.
À côté du répertoire classique international, les "Haupeschbléiser" sonnent et composent également des partitions pour fanfares dédiées au Luxembourg. Les "Haupeschbléiser" participent activement à la vie culturelle du Grand-Duché et sont membres de l'Union Grand-Duc Adolphe (UGDA), ainsi que de la Fédération des trompes du Bénélux (FTB) et de la Fédération internationale des trompes de France (FITF).
L'art musical des sonneurs de trompe est inscrit à l'inventaire national du patrimoine culturel immatériel du Grand-Duché de Luxembourg depuis le 28 novembre 2018. Le 29 mars 2019, le Luxembourg avait déposé auprès de l'Unesco, dans une démarche commune avec la France, la Belgique et l'Italie, une candidature multinationale pour l'inscription de cet art musical sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l'humanité.
Cette inscription des "Haupeschbléiser" est pour le Luxembourg la deuxième inscription par l'UNESCO d'un élément de son patrimoine vivant, exactement 10 ans après l'inscription de la procession dansante d'Echternach, et la première inscription d'un élément par une candidature multinationale.
3 nouvelles inscriptions luxembourgeoises UNESCO sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’Humanité ( décembre 2023)
- D’Wanderschéiferei (transhumance)
- D’Fléizen (méthode traditionnelle d’irrigation de pâturages)
- D’Hiewanskonscht (compétences des sage-femmes)
Lors de la dix-huitième session du Comité intergouvernemental de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, institué auprès de l’UNESCO, qui se déroule en décembre 2023 à Kasane (République du Botswana), les trois candidatures multinationales auxquelles le Luxembourg a participé viennent d’être approuvées.
La Wanderschéiferei (transhumance), le Fléizen (méthode traditionnelle d’irrigation de pâturages) et la Hiewanskonscht (compétences des sage-femmes) rejoignent ainsi les deux inscriptions luxembourgeoises existantes sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’Humanité, à savoir la Procession dansante d’Echternach (2010) et l’Art musical des sonneurs de trompe (2020).
Au préalable, les trois éléments avaient été répertoriés sur l’inventaire national et avisés positivement pour un dossier de candidature international par la Commission luxembourgeoise pour l’UNESCO.
Ces trois nouvelles candidatures, présentées ensemble avec des pays du monde entier, rehaussent l’importance et la reconnaissance du patrimoine culturel immatériel et des connaissances traditionnelles, tant au niveau national qu’international.