Communiqué par la Commission luxembourgeoise pour l’UNESCO, le Cercle des Amis de Colpach, le Centre national de littérature, l’Institut Pierre Werner, le Lycée Aline Mayrisch, la Croix-Rouge luxembourgeoise, le ministère de la Culture, la Représentation permanente du Luxembourg auprès de l’OCDE et de l’UNESCO et le ministère de l’Égalité des genres et de la Diversité.
À l’initiative de la Commission luxembourgeoise pour l’UNESCO, soutenue par les commissions françaises et allemandes, l’UNESCO a admis le 150e anniversaire de la naissance d’Aline Mayrisch-de Saint-Hubert parmi les célébrations officielles de l’UNESCO pour l’année 2024. La vie et l’œuvre d’Aline Mayrisch-de Saint-Hubert reflètent parfaitement son engagement pour la solidarité intellectuelle et morale de l’humanité que l’UNESCO préconise dans son Acte constitutif.
Mécène et femme de lettres, féministe et humaniste, Aline Mayrisch-de Saint-Hubert a été une défenseure de la première heure des droits des filles et des femmes, et notamment de leur droit à l’éducation. Ses missions sociales en faveur des plus démunis, des malades et des blessés, son mécénat pour les arts et la culture, ainsi que son rôle de médiatrice entre les nations dans l’entre-deux-guerres témoignent de son indépendance d'esprit et de sa curiosité intellectuelle, toujours au service de l’échange, du respect et du multilatéralisme.
Aline Mayrisch marque le monde intellectuel et culturel de la première moitié du 20e siècle son action éclairée marquée par l’humanisme, le mécénat et l’européanisme et créant ainsi ce que l’on connaît aujourd’hui sous l’« Esprit de Colpach » - un courant intellectuel européen ayant son ancrage au Luxembourg.
Passant en revue avec le recul de plus d’un demi-siècle ses réalisations littéraires, sanitaires et philanthropiques, ses passions et ses rêves, ses scrupules et ses contradictions, force est de constater que les Luxembourgeois doivent beaucoup à Aline Mayrisch. Par son goût pour les arts et les lettres, son esprit ouvert et ses conceptions sociales éclairées, elle a effectivement su transgresser les contraintes qui lui ont été imposées par les traditions et conventions sociales et réussi à jouer son rôle dans la construction d’une société plus libre, plus juste où l’égalité des chances n’est pas restée lettre morte.[1]
Un engagement altruiste en faveur des intérêts des filles et des femmes
Aline Mayrisch se distingue par ses années d’investissement en faveur de meilleures opportunités d'éducation pour les filles et les femmes. En 1906, elle fonde l’« Association pour les intérêts de la femme », dont l’objectif essentiel est de favoriser la création d'écoles secondaires publiques et laïques pour les jeunes filles. L’association propose également des services de placement ou de protection juridique pour les femmes. Sous l’impulsion d’Aline Mayrisch, l’association organise des conférences, souvent avec des militantes féministes étrangères connues, sur des sujets tels que la protection des enfants et des mères ou le droit de vote féminin.
En 1909 et 1911, sous son impulsion, deux « Lycées de jeunes filles » (Meederchers-Lycéeën) ouvrent leurs portes à Luxembourg et à Esch-sur-Alzette. Depuis, ces lycées ont changé de nom(s) officiel(s) et sont devenus le « Lycée Robert-Schuman » et le « Lycée Hubert Clément ». En 2001, les ministres Erna Hennicot-Schoepges et Anne Brasseur peuvent inaugurent le « Lycée Aline Mayrisch », situé à Luxembourg-Merl.
L’« Esprit de Colpach » et une collection d’art moderne
En 1920, le couple Mayrisch s’installe dans un manoir à Colpach, un village luxembourgeois proche de la frontière belge. Le château agrandi et rénové, ainsi que le parc adjacent, sont destinés à devenir un endroit de rencontres interculturelles. Ayant à cœur de renouer avec les cultures et nations européennes après la Grande Guerre, Aline Mayrisch et son époux invitent régulièrement des personnalités françaises, belges et allemandes et organisent des rencontres intellectuelles, politiques et artistiques. Aline Mayrisch entretient notamment des contacts avec André Gide, Ernst Robert Curtius ou Walther Rathenau et participe aux Décades de Pontigny, des rencontres intellectuelles de personnalités issues de plusieurs pays européens coordonnées par le philosophe Paul Desjardins chaque été, de 1922 à 1939.
Au fil des années, de leurs rencontres et amitiés, Aline Mayrisch constitue, avec son époux, l’industriel Emile Mayrisch, une des premières grandes collections d’art moderne au Luxembourg. Au faîte des avant-gardes artistiques de l’époque, celle-ci regroupe des tableaux des plus grands noms de la peinture du moment, Théo Van Rysselberghe, Henri-Edmond Cross, Ker-Xavier Roussel, Maurice Denis, Paul Signac, Edouard Vuillard, Pierre Bonnard, Henri Matisse, James Ensor ou encore Henri Michaux. Ils acquièrent également des sculptures de grands artistes français, tels qu’Aristide Maillol, Antoine Bourdelle et Charles Despiau que l’on peut admirer jusqu’à ce jour dans le parc du château.
Certaines œuvres sont mises en dépôt à long terme par la Croix-Rouge au Musée national d’archéologie, d’histoire et d’art. Mais l’on trouve également des œuvres ayant appartenu à la collection Mayrisch à travers le monde, comme au Musée d’Orsay à Paris (« Félix Vallotton » dans son atelier de Vuillard) ou au Metropolitan Museum of Art à New York (« L’ Album » de Vuillard).
Aline Mayrisch publie aussi des articles sur des peintres allemands ainsi que des critiques littéraires, entre autres sur L'Immoraliste d'André Gide, dans la revue d’avant-garde belge L’Art moderne. Le couple Mayrisch soutient également le théâtre d’avant-garde en subventionnant le Théâtre du Vieux Colombier à Paris. Il entretient aussi d’intenses relations épistolaires avec des personnalités intellectuelles de son temps. Les lettres échangées entre Aline Mayrisch et sa fille Andrée abondent d’informations sur les années de 1918 à 1946, mais aussi sur une relation intéressante mère-fille[2].
La Croix-Rouge luxembourgeoise et une conception sociale éclairée
En août 1914, les époux Mayrisch signent devant notaire avec d’autres membres fondateurs l’acte constitutif de la Croix-Rouge luxembourgeoise. Dès le mois d’octobre de la même année, celle-ci obtient la reconnaissance du Comité International de la Croix-Rouge.
Aline Mayrisch devient vice-présidente de la Croix Rouge luxembourgeoise (1914), et, après le décès de son mari en 1928, elle en assume la présidence.
Durant la Première Guerre Mondiale, le couple Mayrisch transforme son ancien domicile à Dudelange en hôpital de guerre. A partir de celui-ci, la Croix-Rouge apporte son secours tant matériel que moral, à des blessés et prisonniers de guerre passant par le territoire luxembourgeois. Au lendemain du conflit mondial, les Mayrisch participent activement à la reconstruction des zones dévastées en France, notamment à Verdun.
Notons par ailleurs qu’Aline Mayrisch soutient les efforts pour mettre en place un corps d’infirmières/ assistantes sociales avec un statut professionnel (1924); elle est aussi à l’origine de la première crèche pour la petite enfance à Esch-sur-Alzette (1927). Puis, en 1928, elle crée, à Rédange-sur-Attert un Centre de Placement familial et lance, la même année, le projet de la création de la Maternité Grande-Duchesse Charlotte (1936). Finalement, elle s’engage dans la Ligue contre la Tuberculose et la Ligue Anticancéreuse (1932), qui fonctionnera au sein de la Croix-Rouge.
S.A.R. la Grande-Duchesse Charlotte lui décerne la Croix d’honneur pour son inlassable engagement social et humanitaire.
Dans son testament, Aline Mayrisch fera – avec l’accord de sa fille - don de sa demeure de Colpach à la Croix-Rouge, afin que cette dernière la transforme en maison de repos et de détente pour convalescents. Le château est classé monument national en 2002.
Les Prix Emile et Aline Mayrisch
L’association sans but lucratif de droit luxembourgeois « Le Cercle des Amis de Colpach », en étroite collaboration avec la Fondation ArcelorMittal, et sous le haut patronage du ministre de la Culture du Grand-Duché de Luxembourg, organise tous les quatre ans un concours pour l’attribution d’un prix dédié à la mémoire des époux Mayrisch. Ce prix a pour objectif de promouvoir l’« Esprit de Colpach » caractérisé par l’ouverture aux courants culturels et la promotion de l’entente entre les peuples européens. La cinquième édition du prix aura lieu à l'automne 2024.
Ce prix s’adresse aux chercheurs, étudiants, journalistes et autres auteurs résidant en Allemagne, en Belgique, en France ou au Luxembourg et âgés d’au moins 24 ans. Les travaux présentés au concours portent sur les plans historique, politique, économique et/ou social sur des recherches touchant aux convergences et divergences des grands acteurs et des forces profondes dans l’espace franco-germano-belgo-luxembourgeois ; sur le plan culturel ils présentent des recherches en lien avec les écrivains, intellectuels et artistes et dégageant les influences réciproques dans l’espace franco-germano-belgo-luxembourgeois.
À côté de ce prix prestigieux doté de 10.000 €, le Lycée Aline Mayrisch et le Cercle des Amis de Colpach décernent chaque année un « Prix Aline Mayrisch » à des élèves particulièrement engagés et méritants du Lycée Aline Mayrisch.
[1] Germaine Goetzinger conclut en ces termes son article consacré à « Aline Mayrisch. Féministe engagée – philanthrope éclairée –femme de lettres éminente » (Académie Nationale de Metz, Mémoires, 2013, p. 107) Voir aussi : Germaine Goetzinger « Aline Mayrisch-de Saint-Hubert 1874-1947. Ein Frauenleben im Spannungsfeld von Feminismus, sozialem Engagement und Literatur» qui paraîtra en langue française fin septembre 2024.
[2] La correspondance entre Aline Mayrisch et sa fille Andrée a été éditée par Marc Limpach et Charles Meder : « Andrée Viénot-Mayrisch, Lettres à sa mère 1918-1946 », Fondation Lydie Schmit, 2022